« Tout au long de l’année, grâce à notre journal « Les bruits de la Fabrica’son », nous donnons la parole aux musiciens et musiciennes que nous invitons chaque mois pour qu’ils nous présentent leurs projets présents, passés et à venir, pour qu’ils nous parlent aussi de leurs parcours, leurs influences, leurs rencontres, leurs voyages... Cette interview se passe sous la forme de questions, environ une dizaines en général. Avec 7 concerts programmés pendant ce 11ème Festiva’son, il ne nous était pas possible bien sûr de procéder sous cette forme, à moins d’éditer un 12 pages foisonnant ! Nous avons donc décidé de poser une même et unique question à tous les artistes invités :  « A quoi peut s’attendre le public de la Fabrica’son lors de votre concert pendant le Festiva’son ? »  Question pas franchement originale certes mais simple, ouverte et efficace à n’en pas douter, vue la diversité des réponses données. Bonne lecture, avant et après les concerts !

Sébastien Jarrousse (SEBASTIEN JARROUSSE TRIO) :
Tout d'abord je voudrais dire que je suis un saxophoniste fortement influencé par John Coltrane, et ma vie est guidée par certaines têtes chercheuses "actuelles" de la musique improvisée comme George Garzone, Dave Liebmann, Wayne Shorter, Gary Thomas, Magic Malik et tant d'autres. Si le public s'attend à voir un concert de bebop, je ne crois pas que mon trio soit la bonne formule car d'autres artistes font cette musique tellement mieux ! Je tiens cependant à préciser que Olivier Robin à la batterie et Matyas Szandai à la contrebasse sont aussi ultra compétents pour jouer plusieurs styles musicaux (bebop et autres). Par contre si le public recherche une musique improvisée plus contemporaine avec des mélodies et des motifs rythmiques qui sortent de quelque chose de "standard" ou "tonale" dans une cadre plutôt Coltranien et très énergique, alors oui il ne devrait pas être déçu ! En tout cas je l'espère...

Jean-Claude Oleksiak (CIE DES BRUITS DE LA LANTERNE) :
La « Campagne en secret » est une invitation à ralentir le temps. Percevoir le jour qui se lève, la nuit qui s'installe, les rayons de la lune dans les feuillages d'un arbre, l'onde de l'eau lorsque la libellule se pose, la biche qui se cache derrière les blés... Poésie et musique accompagneront ce chemin parcouru ensemble. Les adhérents de la Fabrica'son semble être un public venant aux concerts avec l'envie de découvrir un moment de musique qu'il ne connaitrait pas spécialement et c'est certainement ce qui est le mieux pour les musciens. Sans attente, dans la découverte, c'est une bonne disposition pour écouter, voir …et c'est ce que font naturellement les tout-petits.

Hubert Dupont (DUPONT T QUARTET)
“Laissez-moi prendre mes désirs pour des réalités : le public doit s’attendre à tout ce que je, tu, il (elle), nous aimons dans la musique : une expérience humaine et collective, comme dans les musiques traditionnelles par exemple, avec une dimension spirituelle inexpliquable, une dimension basiquement physique (ça s’écoute avec les pieds ?), qui s’écoute aussi bien avec le coeur (les émotions) et avec l’intelligence. Ca s’écoute avec les oreilles aussi, mais la beauté pure je ne sais pas ce que c’est, et ça ne me préoccupe pas tant que ça – c’est sans doute une conséquence, quand les musiciens du groupe – et le compositeur - se comprennent à chaque instant, sur chaque intention... Chez moi il y a surtout une dimension du jeu, des clins d’oeil, des règles du jeu énigmatiques mais un groupe qui se donne à coeur joie…

Et puis, Denis Guivarc’h, Yvan Robilliard, Pierre Mangeard, c’est exceptionnel, c’est à voir au moins une fois dans sa vie, en tous cas je ne m’en lasse pas !”

Hugues Vincent (KUMI IWASE ET HUGUES VINCENT DUO) :
Pour ce concert, le duo Iwase/Vincent va jouer la formule sax/clarinette/violoncelle(parfois électrique ). Nous jouerons selon le feeling du jour, peut être des bribes de nos compositions dans le concert qui sera totalement improvisé. La musique du duo est ouverte sur différentes couleurs sonores, et utilise diverses palettes, depuis le travail sur le son pur en passant par la mélodie, le rythme, le bruitisme, le field recording, le silence... La multiplicité du materiel utilisé, de par sa diversité même, donne aux performances des reliefs a la fois multiforme mais tournés vers le même désir de construction formelle.

Pierre de Tregomain (PIERRE DE TREGOMAIN QUARTET):
Nous allons interpréter le répertoire de notre tout nouvel opus intitulé "Shelter", au croisement de la pop, de la musique baroque et du jazz. Enfin au-delà des étiquettes, cet album, je le définis surtout comme Le lieu de la rencontre, à la fois de la connexion intérieure et du contact avec l'extérieur, c'est un répertoire qui ne plane au-dessus de la complexité du monde, il en résonne au contraire, mais il rayonne tout autant d'une intimité qui s'adresse au monde. En ce sens, ce concert, c'est du partage, et je me réjouis particulièrement de jouer à la Fabrica'Son, collectif dont je suis fier de faire partie et qui a sorti cet album sur son tout nouveau label, et devant ce public que j'ai rencontré au fil des concerts de ces deux dernières années …

Benoît Delbecq (Benoît Delbecq et Marc Ducret duo) :
Mon aîné Marc Ducret - que je considère comme l'un des grands musiciens de son temps - compte parmi les musiciens-compositeurs-improvisateurs qui m'ont le plus inspiré et continuent de m'inspirer. A lui seul il a su prouver qu'on pouvait trouver sa voie sans compromission esthétique: c'est un exemple de force artistique. Marc est un inventeur, rythmicien, harmoniste et mélodiste unique... après chaque collaboration avec lui, je me remets toujours à l'ouvrage afin de parfaire mon univers artistique et enrichir encore ma pratique. Marc et moi nous fréquentons depuis plus de deux décennies, et jouons régulièrement en duo depuis 2006. J'ai joué et enregistré dans son quintet, il a enregistré avec mon quintet, nous jouons en sidemen ensemble dans les formations d'Alexandra Grimal ou encore de Samuel Blaser. Ce qui se joue au sein de notre duo, c'est une cohésion rare entre deux instruments qui ne cohabitent pas toujours aisément - un piano et une guitare, ça fait déjà beaucoup de cordes ! Mais notre duo est un rendez-vous choyé pour inventer encore et toujours de nouvelles formes, de nouveaux rythmes, de nouveaux sons et de nouvelles formes de mélodie. Pour ma part, je prépare certaines cordes de mon piano avec des bouts de bois, de la gomme... tandis que Marc prépare ses sons à coups de techniques digitales hallucinantes qu'il met au point amoureusement et sans relâche - le tout avec un goût toujours très abouti. Il m'arrive d'éprouver des sortes de mirages sonores en sa compagnie, et certains sons qu'il obtient de sa guitare me poursuivent souvent bien longtemps après le concert !  Chacun de nous a amené de nouvelles compositions, et chacun de nous s'en imprègne pour mieux s'en affranchir:  une fois lancés dans l'improvisation, tout peut arriver, des rythmes les plus tendus et obsédants aux textures les plus abstraitement poétiques. 

Pierrick Pedron (PIERRICK PEDRON TRIO)
Le public de la Fabrica'son va découvrir ou redécouvrir des morceaux de Thelonious Monk assez confidentiels interprétés par un trio sans instruments harmoniques. L'idée est de suggérer l'harmonie sans instruments polyphoniques. Il m'est difficile de dire ce que va ressentir le public lors de ce concert , je préfère le laisser libre de son émotion qui finalement est propre à chacun. Tout ce que je peux affirmer c'est qu'ils va entendre de la musique et j'espère sincèrement qu'il va apprécier.