LF : The Andy Sugg Group semble être un ensemble aux orientations éclectiques avec une constante qui est l'improvisation et un enracinement dans l’histoire du jazz. Est-ce que ce groupe représente pour toi un laboratoire expérimental qui t'est indispensable aujourd’hui ?
AS : Un laboratoire expérimental? Oui! Pour formuler des choses nouvelles? Absolument! Chaque performance représente une nouvelle conversation, et même lorsqu'il nous arrive de jouer dans un style connu de tous, notre conversation se renouvelle à chaque fois. Parfois nous restons dans un style en respectant ses règles, et parfois notre conversation tourne précisément autour de ces règles. C'est justement parce que nous connaissons si bien ces règles que notre façon de les aborder peut être subtile ou complexe, audacieuse ou ironique. C'est une approche magnifiquement libre.
LF : Lorsque j’ai écouté ton projet il m’a semblé entendre une orientation très axée sur la musique de Coltrane et plus exactement sur sa période transitoire qui le fit se diriger sur le free Jazz. Cherches-tu toi aussi à te libérer de certaines conventions musicales afin de laisser uniquement une quête spirituelle dans ta musique ?
AS : Comme tous les saxophonistes de ma génération, j'ai été profondément influencé par Trane. C'était avant tout un explorateur insatiable, et le plus grand enseignement que l'on peut tirer de lui, c'est de ne jamais cesser de chercher durant notre cheminement artistique. Et comme la vie est constamment en mouvement, une musique aussi vitale que le jazz se doit d'entretenir une certaine fébrilité. C'est pourquoi je reconnais des influences importantes qui ont marqué ma formation, tout en continuant à façonner ma propre expression.
Pour ce qui est de la période tardive de Trane, c'est vrai qu'il est devenu très spirituel dans un sens religieux assez conventionnel et que sa musique est devenue l'expression directe de cette spiritualité. Quand j'étais jeune, j'étais attiré par sa démarche, mais plus maintenant. Si ma musique possède de la beauté ou de la profondeur, ce que j'espère, son inspiration ne réside pas dans des fantasmes tels que la religion, elle se trouve au contraire dans un engagement direct dans la vie réelle.
LF : De l'Australie, du Japon aux États-Unis en passant par Berlin, Paris... Il semblerait que tu voyages beaucoup. Peux-tu nous parler de toutes ces expériences? Est-ce important dans ton parcours de musicien?
AS : De nos jours, les artistes qui créent font partie d'une communauté d'idées qui est véritablement mondiale, donc voyager, c'est à la fois stimulant et dynamisant mais c'est aussi une nécessité. Ca l'est peut-être encore davantage pour les Australiens parce que les cultures d'Asie du Sud-est sont les plus proches de nous géographiquement, ce qui n'est pas le cas des cultures américaines et européennes qui sont à l'origine des musiques influencées par le jazz.
LF : Tu as aussi une activité d'enseignant assez importante dans ton parcours, peux-tu nous en parler ? Et comment s'organise l'enseignement du jazz en Australie, peut-on l'assimiler à l'enseignement américain ?
AS : Je pense que le jazz australien et l'enseignement de cette musique sont un peu plus souples avec la tradition "jazz" et la conçoivent à leur manière. Le Bebop n'est pas considéré comme un héritage à interpréter de façon aussi rigide qu'un vocabulaire fixé une fois pour toute et obligatoire. C'est très lié au répertoire: les musiciens de jazz australiens continuent de créer un répertoire innovant, qui se renouvelle, et le langage de l'improvisation évolue nécessairement face à ces nouveaux éléments. Je pense que c'est un processus naturel et sain. C'est le signe que nous avons une communauté de musiciens qui continue de trouver dans les traditions du jazz un sens et une utilisation qui lui sont propres.
LF : J’ai toujours ressenti chez un saxophoniste qui joue du soprano une plus grande proximité avec son instrument, es-tu d’accord avec cette impression?
AS : Peut-être, même si je pense que tous les musiciens cherchent à "ne faire qu'un" avec leur instrument. C'est autant une nécessité physique que mentale. L'instrument devient vraiment un prolongement de notre corps. Depuis le germe de l'idée dans le cerveau du musicien (ou devrais-je dire: dans son coeur) jusqu'à sa réalisation au travers de l'instrument, tout le voyage qu'elle effectue dans le corps se doit d'être fluide, ininterrompu.
LF : Comme le signalait le violoniste Jon Rose, les musiciens australiens ont de plus en plus de mal à faire de leurs musiques un art vivant. Comment selon toi se porte le live en Australie ?
AS : Malheureusement c'est vrai, même si je crois que cette réalité s'impose presque partout. Dans le cas de l'Australie, le pays est très vaste mais la population est assez réduite et disséminée un peu partout, ce qui rend très onéreuse l'organisation de tournées. Et puis alors même que la culture australienne est très intéressante, il existe une certaine ambivalence vis-à-vis des arts du spectacle. Je veux parler ici de la culture australienne en général, avec un petit c. Notre communauté des artistes du spectacle vivant (avec un grand C) est vive et intense, mais elle doit parfois se battre pour garder une place significative dans la culture dominante.
LF : Quels sont les musiciens français qui t'ont interpellé et/ou qui t'interpellent en ce moment?
AS : J'apprécie énormément la vie culturelle et intellectuelle française, elle me fascine depuis longtemps. En tant que saxophoniste, je suis bien sûr sensible à toute une tradition française classique: Marcel Mule, Jean-Marie Londeix etc. Dans le jazz, ce sont là encore des saxophonistes que j'ai le plus écoutés, par exemple Stéphane Guillaume, David El Malek. Je pense que ce sont des musiciens très importants et je les ai beaucoup écoutés. A chaque fois que je viens à Paris, je regarde s'ils jouent quelque part. Et puis bien d'autres musiciens aussi.
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