Yann Joussein répond à nos questions
LF : Comment est né ce projet ?
YJ :Nous étions étudiants, c’était il y a 4 ans, Riccardo Del Fra me dit un jour : « Yann, monte un groupe, écris de la musique, et on part jouer à Toronto pour l’IAJE » (Imaginez l’accent Italien)
On l’a fait, c’était super, ça l’est toujours.
LF : On peut sentir dans l'écriture une certaine volonté de simplicité. Est-ce un choix de votre part de ne pas enfermer l'improvisation dans une lecture ou un cadre trop fermé ? Ou est-ce le désir de composer de manière interactive ?
YJ : Il y a la dans votre phrase la question et la réponse !
La musique est très simple, voir naïve, c’est ça qui nous laisse la place d’exploser.
LF : Votre musique s'oriente-t-elle de plus en plus vers le traitement sonore ?
YJ : Non, Seule Fanny utilise des effets pour transormer son son de contrebasse, par contre, on utilise tous des techniques « extra-instrumentales », c’est à dire des sons qui ne sont pas ordinaires pour nos instruments.
LF : A l'écoute de votre disque, on a tout de suite apprécié la dimension live, scénique, sans filet... Selon vous, c'est dû à quoi : l'énergie, la joie, la rage, la jeunesse, la crise, la poésie ou autres... ?
YJ : Notre premier disque, c’est NOTRE concert ! On ne savait pas qu’on allait en faire un disque. C’était avant nos tournées dans les festivals afijma et en Allemagne, le groupe était encore jeune et excité de jouer devant 1000 personnes à la Cité de la Musique. Le prochain disque sera d’ailleurs enregistré en studio pour contraster.
LF : À côté de climats originaux, bouillonnants voire même dérangeants (on aime bien être dérangés à la Fabrica'son...), on peut entendre dans votre musique une forme de lyrisme, qui rappelle des chants anciens, des mélodies "nécessaires", justes. Votre voyage vers l'avant-garde a-t-il besoin de garder un oeil sur la tradition, dans le rétro..., pour continuer ?
YJ : Pas nécessairement, mais on ne peut pas échapper à nos influences, aux musiques qu’on aime et qu’on a beaucoup écouté, je dirais même qu’on part de la tradition pour rendre la musique à notre sauce.
LF : Vous faites partie d'un collectif de musiciens, original et créatif, le collectif Coax. Comment et pourquoi est apparu un tel projet ? Comment se porte-t-il aujourd'hui ?
YJ : Le collectif COAX est né d’une idée de quelques Musiciens, à la base, Julien Desprez, Benjamin Flament et moi-même, très vite rejoint par nos proches.
L’idée est de fédérer notre art, notre démarche pour mieux se faire entendre dans un monde où il existe des tonnes de musiques et formes d’art et où l’individualisme est courant. On dit même que nous sommes une coopérative de musiciens. Aujourd’hui, c’est un véritable succès !! Ce n’est que le début, nous nous produisons dans des festivals et lieux très importants pour la culture comme la Fabricason par ex. !
Nous avons même bénéficié de cartes blanches à Banlieues Bleues, le Pannonica à Nantes, le petit Faucheux à Tours…
LF : Pour parvenir à l'originalité de votre musique, on sent que vous avez écouté, compris, analysé... un bon nombre de musiques et de musiciens différents. En évitant la liste interminable, quelle serait votre liste (à "la Prévert"? ou Playlist?) des musiques et musiciens qui comptent pour vous ?
YJ : Albert Ayler, John Coltrane, Jim Black, Mats Gustavson, ZU, Fred Frith, Magma, Joelle Léandre,…
LF : L'histoire de la musique occidentale nous montre à quel point l'harmonie et le contrepoint en furent les préoccupations principales. Il faudra attendre le début du 20ème siècle pour que les paramètres tels que le rythme, le timbre, soient pris en compte de manière plus pertinentes. Aujourd'hui, ne pensez-vous pas que l' « avenir » de la musique se situe dans l'exploration du timbre, et dans le fait, dixit Messian, que la musique est avant tout mélodie et que la mélodie n'existerait pas sans le rythme?
YJ : C’est difficile de parler de ce sujet après Messian, mais modestement, avec mes mots, je dirais qu’il n’y a pas UN avenir mais une multitude de directions dans lesquelles nous explorons une toute petite partie de l’évolution de la musique, et en partie sur les timbres.
LF : Quelle est votre relation avec la tradition telle qu'on l'entend aujourd'hui, avec les racines du jazz?
YJ : Personnellement, j’ai une culture « jazz », c’est la musique que j’ai toujours écouté depuis mon enfance. Je suis fan de la puissance d’un Art Blakey, Roy Haynes ou encore Elvin Jones, des sons de Freddie Hubbard, Wayne Shorter ou Miles Davis, de leur histoire, de leurs évolutions…
Le jazz « traditionnel » inspiré de ces musiciens cités au-dessus joué aujourd’hui ne m’a jamais procuré les émotions que j’ai eu en écoutant les disques historiques de chez Blue note, atlantic, verve, impulse…
LF : Dans le contexte électoral et médiatique actuel, quelles seraient vos critiques, revendications et suggestions en terme de politique culturelle vis-à-vis des institutions publiques ?
YJ : Aujourd’hui, je gagne ma vie en tant que musicien en faisant que des projets que j’aime, c’est pour moi de toute évidence un grand luxe, de ce point de vue, je pourrais dire que « tout va bien ».
Cependant, la vie d’artiste est très précaire, ce qui n’encourage pas forcément à la création.
Je vois bien que tout les budgets pour la culture sont en baisse depuis longtemps ce qui a impliqué la perte de plusieurs lieux de diffusion, ce qui force des artistes à se produire gratuitement et arrêter leur activité.
Merci et rendez-vous le dimanche 13 novembre à 16h30
La Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com