LF : Tu viens enfin nous présenter ton nouveau projet, qu'est-ce que représente pour toi cette naissance soudaine?
JCO : Avec le temps et après un travail de fond sur moi-même, j'ai appris à gagner en confiance. Jouer en tant que « sideman » est une chose mais, même si je m'investissais souvent dans les projets de mes camarades comme s'ils avaient été les miens, proposer sa musique et diriger son propre groupe est tout autre. Il faut être solide pour tout porter, le bon comme le mauvais, et apprendre à aller au bout des idées que l'on propose même si on se trompe... En même temps, en le faisant, l'engrenage démarre, on se pose beaucoup de questions, on travaille réellement sur ce que l'on veut, on avance énormément... et on dédramatise la chose. Ce que l'on cherche avant tout, c'est passer de bons moments de musique, non ?
LF : Il me semble entendre dans tes compositions une réelle volonté de laisser place à l'énergie et l'improvisation. Comment vois-tu le lien, de ces deux aspects musicaux? Cherches-tu à développer une écriture, ou cherches-tu à stimuler l'improvisation au travers de tes mélodies?
JCO : C'est vrai que c'est ce qui me questionne. Ce qui m'intéresse avant tout, c'est le « live » et qu'il se passe des choses entre nous. Je dirais que j'ai envie de choses simples, des mélodies que l'on retient facilement comme des chansons, pour pouvoir développer des moments de musique ensemble. Trouver une matière simple que l'on peut mémoriser très vite, par les musiciens de l'orchestre, mais aussi par l'auditeur, pour développer, par l'improvisation, une chanson. Le rapport et le placement écriture/improvisation m'interpelle aussi pour que ce soit fluide et pas toujours « téléphoné ». Pour ce qui est de l'énergie, oui j'aime ça et je cherche souvent le coté « tribal » de la musique, mais justement, il ne doit pas toujours se manifester par de l'énergie, il peut être contenu et d'autant plus puissant.
LF : Est-il facile pour toi de devenir un chef d'orchestre?
JCO : J'y ai un peu répondu dans la première question, en fait le plus dur, c'est de trouver du temps pour s'y consacrer ! Se plonger, s'immerger dans la musique que l'on aimerait jouer et faire jouer, j'aimerai avoir des semaines, rien que pour ça !
Chef d'orchestre, ce n'est pas seulement diriger la musique mais aussi la faire jouer et ça ce n'est pas le plus facile ! On l'a bien compris, tout ce temps passé au final n'est pas suffisamment rémunérateur pour vivre, voilà pourquoi il y a tant de découragement à diriger son propre groupe !
LF : Composer pour un musicien de jazz, ressemble à mon goût à un journal intime qui se veut être ouvert à tous ceux qui veulent le lire ou l'entendre. Tes compositions représentent-t-elles une part de ton histoire?
JCO : Complètement ! Les compositions marquent le temps dans l'évolution du musicien. Pour chaque morceau, il est important pour moi de donner un titre qui me replonge instantanément dans le moment où je l'ai écrit ; c'est, comme tu l'as dit, un journal intime. D'ailleurs, j'en ai fait un il y a très longtemps où j'avais décidé de n'écrire que des choses très simples, des évènements souvent insignifiants qui se passaient dans la journée ; quand je le relis maintenant, c'est fou de constater à quelle vitesse et avec quelle présence on retourne dans le passé !
LF : On a eu le plaisir de te voir dans des projets très différents cette année : un spectacle pour enfants autour de poèmes de Supervielle et un ciné concert à partir de « L'homme qui plantait des arbres » avec Catherine, ta compagne. Tu y jouais en plus de la basse, de la flûte, de la guitare, un peu de percussions. Raconte-nous ce plaisir d'être multi-instrumentiste...
JCO : C'est vrai que monter ces projets « jeune public » avec ma compagne m'a fait le plus grand bien et m'a procuré beaucoup de sensations et de bonheur, même si cela n'a pas été simple... Comme on le disait plus haut, mener des projets n'est pas tout rose ! Mais on en sort grandi et on augmente son « capital confiance » ! Pour ce projet, on est parti de petits riens, mais important pour nous, de petits bouts de bois, de bouts de poèmes, de bouts de mélodies, de sons, et on en a construit de manière assez ludique, en improvisant, en s'émerveillant, en s'amusant, un beau petit spectacle pour les tout petits... et les plus grands d'ailleurs. En se faisant plaisir, apparemment, on a fait plaisir, car le spectacle marche, c'est super ! Et explorer d'autres instruments, j'adore ça ! A la maison, lors des nombreux « bœufs » qu'on fait en famille, il y a en plus le piano, l'accordéon, le violoncelle, la batterie, le psaltérion et plein d'autres instruments qu'on fabrique instantanément avec les jouets du fiston !
LF : Cette année, tu as participé à une jam impro à Montrouge où tu as joué de la contrebasse. Quel est ton rapport à la musique improvisée et aux expérimentations ? Est-ce qu'elle est un peu présente, du moins dans l'esprit, dans le projet que tu vas nous présenter le 8 mai ? Sinon, est-ce un genre musical que tu aimerais approfondir à l'avenir ?
JCO : Lorsqu'on faisait des ciné-concerts avec Benoist Raffin et Gaël Mevel, la musique improvisée était très présente. J'aime cette musique et je l'ai expérimenté dans le passé sans vraiment m'y plonger. Je pense qu'en ce moment, j'ai une envie plus prononcée pour une musique avec une pulsation. Ce côté tribal que j'évoquais plus haut, j'ai plus de difficulté à le retrouver dans la musique improvisée (je ne parle pas du free bien sûr). Mais cette musique m'intéresse, c'est juste dur de tout faire.
LF : Tu retrouves le saxophoniste Emile Parisien avec qui tu jouais déjà l'an dernier déjà pour le projet « jazz polonais ». Pourquoi avoir eu de nouveau envie de jouer avec lui ? Qu'apporte-t-il de différent cette fois-ci ?
JCO : Ce côté tribal, justement ! Il me fait décoller grave ! J'ai envie aussi dans ce projet comme je le disais plus haut, de travailler ce côté tribal en canalisant les énergies.
LF : Jean-Claude, tu es à l'origine du projet associatif de la Fabrica'son, il y a bientôt 11 ans ! Tu as connu des grands moments de bonheur, cependant qu'est-ce qui (te) fait tenir dans les moments plus durs, les moments de doutes comme ceux traversés depuis la perte de notre salle ?
JCO : Tout d'abord, je trouve que La Fabrica'son, c'est vraiment super ! Tout ce qu'on a fait et tout ce qu'on fait pour ne pas abandonner le bateau ! ... et je le dis à tous mais surtout à toute l'équipe car dans ces moments de doute, on se le dit pas assez, et moi je ne me le dis pas assez, je ne le dis pas assez : on forme tous ensemble une sacrée équipe ! C'est assez exceptionnel surtout au niveau humain ! Voilà une bonne raison de continuer ! La Fabrica'son a raison d'exister et tous vos témoignages nous le prouvent !
Maintenant, les difficultés sont de pouvoir combiner les deux casquettes de musicien et dirigeant de salle, lorsque, ce qui est mon cas en ce moment, on a envie de faire énormément de musique et de développer ses propres projets.
Je crois qu'on va avoir beaucoup besoin de vous ces prochaines années pour que cette association, qui est aussi la vôtre, continue encore pendant des années... des années ! Nous voudrions ouvrir beaucoup plus largement les portes aux adhérents et adhérentes à travers le bénévolat. Alors, cassons la baraque !
Merci et rendez-vous le dimanche 8 mai à 16h
jordan Sneakers | Nike Dunk Low SP University Red - GrailifyLa Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com