Yves Rousseau répond à nos questions
Le voyage et le cinéma sont très présents dans les titres de ton album, mais aussi et surtout dans ta musique. Ces deux éléments sont-ils tes principales sources d'inspiration dans ta vie de musicien (compositions mais aussi improvisations)?
Non, bien sûr, j’ai « subi » aussi de multiples influences issues du texte comme de la peinture... Le titre « Le Vieux Peintre », par exemple, qui figure sur le premier album du quartet, est directement inspiré de l’oeuvre de Claude Monet... Je suis aussi beaucoup inspiré par les rencontres humaines, quelles qu’elles soient... Et puis aussi bien sûr par mes écoutes musicales tout simplement... La création du quartet en 2000 s’est faite à un moment où j’écoutais beaucoup de musique baroque... On m’a parfois dit que cela s’entendait...
Tu fais souvent référence au cinéma, as-tu déjà travaillé avec des cinéastes ou sur des ciné concerts ?
Oui, sur des ciné-concerts ainsi qu’avec des gens d’images, mais paradoxalement je n’ai jamais écrit de musiques de films à proprement parler... En revanche, plusieurs de mes musiques préalablement existantes ont servi de supports pour l’image...
À l'écoute de ton écriture et de tes arrangements, les tessitures du saxophone soprano et du violon semblent très proches, est-il difficile d'arranger pour cet orchestre? As-tu choisi cette instrumentation ou s'est-elle plutôt imposée à toi par l'envie de jouer avec ces musiciens ?
Je suis intimement persuadé qu’une sorte de magie s’est opérée lors de la réunion de cet orchestre... Jean-Marc Larché et Régis Huby ne se connaissaient pas avant et je crois que c’est dire la vérité de souligner qu’ils se sont tout de suite compris...
J’avais décidé de travailler avec ces artistes-là, excepté Christophe Marguet qui n’était pas tout à fait le premier batteur mais qui s’est très vite imposé comme une cheville indispensable à cette musique...
Le violon ténor n'est pas très connu je crois, est-ce Régis qui te l'a proposé pour ce projet?
Oui et c’est une chance pour nous qu’il se soit rapproché de cet instrument si singulier dans sa sonorité et qui participe beaucoup au son quelque peu inédit de l’orchestre.
Dans le projet que nous avons écouté, il y a une forme de solennité voire d'invitation au recueillement. Et en même temps, on sent un appel à aller de l'avant, vers des rivages moins fréquentés. Comment parviens-tu à cet équilibre (ou cette dualité) entre apaisement et incertitude ?
Très difficile de répondre quand on est « dedans »... Quoiqu’il en soit, ce quartet joue des choses que j’entendais depuis longtemps, y compris dans des orchestres dans lesquels j’étais « sideman » et dans lesquels je pouvais parfois éprouver des manques... Ce qui est sûr, c’est que je suis un inconditionnel de la mélodie, mais je n’aime pas quand elle est banalisée, aseptisée, sur-utilisée... Habiller une mélodie avec des vêtements trop petits ou trop grands m’amuse, ou bien encore avec des couleurs auxquelles on n'aurait pas pensé « a priori »...
J’aime aussi que les choses soient variées, calmes, sereines ou tempétueuses...
En faisant quelques recherches, nous avons appris que tu avais initié un projet autour de textes de Léo Ferré, que tu avais également abordé la musique baroque, la musique électroacoustique ou encore joué avec des musiciens turcs... Ces projets présentent donc une grande variété d'univers, dès lors comment définirais-tu ton propre style, ce qui caractérise le mieux ta démarche ?
Ces dernières années, j’ai travaillé avec le texte, le théâtre, le mouvement dansé, l’image et le son numériques, la peinture, j’ai initié ce projet sur Ferré avec un immense bonheur (et ce n’est d’ailleurs pas fini puisqu’un deuxième album paraîtra en 2012...) Toujours faire la même chose m’ennuierait à force, j’aime varier les plaisirs...
Notre association cherche à promouvoir le jazz de façon diversifiée mais aussi la musique improvisée. On organise d'ailleurs deux jams par mois, l'une "jazz", l'autre "musique impro". Te sens-tu proche de ces deux genres ? Quels liens et quelles différences y vois-tu ?
J’y vois certes des différences de forme, mais pas de fond... Je m’en sens donc très proche même si je ne pratique plus vraiment certaines de ces musiques sur scène... Je viens du jazz et j’aime profondément cette musique... Mais eu égard au jazz au sens classique du terme, n’oublions pas que Coltrane, Miles, Ayler, Dolphy et d’autres ont ouvert la voie... Il est normal qu’on en soit là aujourd’hui et que fort heureusement, les formes soient aussi plus ouvertes...
Quelles sont vos influences majeures autant du point vue de la composition que de l’improvisation?
Jean-François Jenny Clarke m’a beaucoup marqué quant à sa posture dans la musique et dans l’impro particulièrement, c’est quelqu’un auquel je pense toujours beaucoup aujourd’hui. Sinon, Django, Ella et Duke parce que je les écoutais étant gamin, puis Coltrane et Miles pour ne citer qu’eux...
Pour l’écriture, je ne peux répondre précisément, sauf à dire que de nombreux compositeurs, qui vont de Schubert à Zappa, m’influencent forcément beaucoup...
Le Cd semble avoir été écrit comme une suite bien établie. A-t-il été pensé comme cela? Comment ça se passe en live ? Les plages d'improvisation sont-elles par exemple, plus développées ?
Le live n’est pas très éloigné du disque, mis à part le fait qu’on se donne plus de temps pour réaliser les choses et faire s’enchaîner les parties qui, comme vous le soulignez, sont souvent conçues comme une suite... Mes amis musiciens me rappellent souvent que « l’habitude » est une très bonne chose et que le public, à l’inverse de nous, n’est pas sensé connaître le répertoire. De même que l’on se dit souvent que ce n’est pas toujours probant de voir un orchestre qui cherche toujours sur le fil... Donc, nous sommes souvent entre ces deux tentations, celle de donner à écouter une musique aboutie et celle de prendre des risques en public... Là est l’intérêt des musiques que nous pratiquons et que l’on appelle les musiques improvisées... Le prochain album sera plus, du moins je le souhaite, une succession de « rendez-vous », de points de rencontres entre lesquels nous improviserons pour aller de l’un à l’autre... Pour cela je vous donne rendez-vous en 2012 ou 13...
Merci et rendez-vous le dimanche 9 octobre à 16h30
La Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com