LF : Comment s’est faite votre rencontre ?
Ariel Tessier : Nous nous sommes tous les quatre rencontrés au CNSM de Paris. Les structures, les infrastructures ainsi que le contenu de la formation du Conservatoire offrent un cadre propice à la formation de nouveaux projets. La réalisation d'une maquette en 2010 a confirmé notre excellente entente musicale et humaine, nous avons donc décidé de poursuivre une aventure ensemble.
LF : Pourquoi ce nom Lindau HBF? C'est une gare allemande, non ?
Emilio Guerra e Neto : Tout à fait! Lindau Hautbahnhof pour être encore plus précis, ce qui veut dire en allemand, "Gare Centrale de Lindau". A vrai dire, lors d'un voyage en Allemagne, à l'annonce de la gare de Lindau HBF dans le train, j'ai été sensible aux sonorités du terme. Fait notoire, cette annonce à symbolisé l’étrange, et pour ma part, agréable sensation de fraîcheur que l'on peut ressentir face à la découverte d'un nouvel univers. C’était là, une langue étrangère, une nouvelle ville dans un pays étranger avec d'autres coutumes. Lorsque la question du nom de groupe s'est posée, j'ai proposé "Lindau HBF", et mes comparses ont tout de suite été emballés. En effet, nous avons estimé que cette expérience se mariait parfaitement à notre volonté de surprendre notre auditoire lors de chacune de nos prestations.
LF : Sur le morceau "Time for a ballad" écrit par Matthieu Naulleau, on a l’impression que le développement met en avant une musique de trio (contrebasse, batterie, piano) et que le saxophone offre une envolée lyrique comme on peut l’entendre dans le groupe Fellowship de Brian Blade. Vous êtes-vous inspirés de sa musique ?
Matthieu Naulleau : Les différentes influences de chacun étant parties intégrantes de la composition, nous sommes heureux que l'on puisse penser au Brian Blade "Fellowship" quintet, certains d'entre nous l'ont en effet beaucoup écouté. "Time for a ballad" s'inspire à la base de Claude Debussy, pour ses ambiances impressionnistes et de John Coltrane qui se voyait souvent offrir par Mc Coy Tyner un "son" incroyable pour commencer un solo. Ce mélange et notre envie commune de rompre les codes du jazz pour exister aux yeux de tous, a proposé dans ce morceau à Emilio au saxophone une place particulière, à l'instar de celle de Miles Davis sur "Nefertiti".
LF : Votre musique reflète un profond lyrisme qui semble s'appuyer sur la puissance mélodique de vos compositions. Est-ce là une résurgence du romantisme qui caractérise l'écriture et la personnalité des musiciens de ce projet?
Emilio Guerra e Neto : Etant donné que Matthieu, notre pianiste et compositeur, à une très bonne connaissance des différentes sensibilités humaines et musicales qui constituent le reste du quartet, il a su composer une musique sur mesure pour l'ensemble du groupe. Chacun se sent de fait, très à l'aise dans son rôle, et les personnalités s'en retrouvent dès lors exaltées. Sur l'ensemble de notre répertoire, nous parcourons une palette de climats très contrastés. Tantôt paisibles et colorés, tantôt lugubres et tourmentés, nul doute que ça soit quelque part le reflet de quelques uns de nos états d’âmes!
LF : Dans « Matno », on entend des citations de Coltrane par le saxophoniste, des empreintes classiques dans le solo piano, on entend aussi des ambiances presque jazz rock par moment, comment arrivez vous à mélanger tout cela en obtenant cette unité ?
Matthieu Naulleau : Il y a diverses raisons : déjà nous jouons ensemble, dans le sens où chacun s'écoute, et cherche le meilleur moyen de se placer à l'instant "t" par rapport aux autres. Ensuite le cadre (la composition) enferme toujours le tableau (l'exécution). Et comme le cadre est aussi formé de nos influences, nous ne risquons pas d'être décrochés du mur...Enfin nos nombreuses influences communes : Miles Davis, John Coltrane, Ornette Coleman, Dave Douglas, Robert Glasper, David Binney ,Brian Blade, John Escreet, et la multiplication des apéros, euh...répétitions qui ont permis au fil du temps de trouver un réel son de groupe.
Emilio Guerra e Neto : De fait nous nous servons de ce ciment afin d'explorer des univers musicaux flirtant parfois avec des genres autres que le Jazz, tout en essayant de ne pas remettre en question la fluidité de notre discours. Dans un certain sens notre musique est très actuelle de par notre capacité à pouvoir établir des passerelles entre des univers qui peuvent à priori paraître très éloignés les uns des autres
LF : Que vous a apporté votre participation au concours "Jazz à la Défense" Comment aborde-t-on un tel concours, quelles sont les préparations, changent-elles d’un concert normal ?
Ariel Tessier : Compte tenu de la renommée du concours, nous avons pu obtenir une certaine légitimité en y remportant plusieurs prix, notamment le 2e prix d’orchestre ainsi que deux 2e prix ex-aequo d'instrumentiste. Les fonds nous ayant été accordés ont permis le financement de notre premier Album, Échappatoire, qui sera d'ailleurs disponible le 13 janvier au Théâtre 71. L'enjeu était par conséquent de taille. Il nous a paru crucial de produire une musique portée par l'énergie semblable à celle d'un concert et cela malgré la présence d'un jury de prestige. Changer nos habitudes lors des répétitions aurait eu pour effet de biaiser la spontanéité de notre prestation, raison pour laquelle nous avons appréhendé ce concours comme un concert normal.
LF : Etant donné l'actuelle profusion de projets musicaux sur la scène jazz qui s'accompagne d'une même profusion de musiciens tous aussi talentueux les uns que les autres, ne pensez-vous pas que le réseau des scènes jazz ne peut pas répondre à cette offre et qu'il s'en trouve saturé? A votre avis comment répondre à ce problème?
Damien Varaillon-Laborie : En effet, lorsque nous discutons avec nos aînés, ils nous disent à peu près tous la même chose. Il n'y a jamais eu autant de bons musiciens de Jazz qu'aujourd'hui, alors que paradoxalement le marché du Jazz n'est pas au mieux de sa forme. Tel que les choses évoluent je ne pense sincèrement pas que le jazz puisse à nouveau jouir d'une popularité semblable à celle des décennies précédentes. Le problème de la saturation des réseaux quant à la profusion de musiciens risque donc de perdurer. Néanmoins je pense que tel que la Fabrica'son , les programmateurs devraient plus donner la possibilité à de nouveaux groupes émergeant de s'exprimer afin qu'il n y ait pas un même cercle de musiciens qui tournent dans la majeure partie des festivals. C'est une manière d'encourager la nouvelle génération, vraisemblablement plus créative et audacieuse que jamais, à continuer de perpétuer le caractère transgressif d'un genre musical qui a su résister à l’épreuve du temps et des successives crises.
LF : Vous faites partie des jeunes musiciens jazz de la scène française. Quel est votre regard sur leur situation artistique et sociale, présente et à venir ?
Damien Varaillon-Laborie : Selon moi, le jazz porté par la nouvelle génération, se distingue par son caractère métissé . En effet, l’accès aux musiques du monde étant plus facile, grâce notamment aux nouvelles technologies, je pense à internet, le jazz s'en retrouve en quelque sorte mondialisé. Il y a désormais pratiquement autant de styles de jazz que de groupes. Cette mondialisation nous pousse par conséquent à nous rendre plus polyvalents. Les organes de diffusions se faisant rares, nous sommes souvent amenés à collaborer avec plusieurs groupes de styles parfois éloignés.
LF : Vos enregistrements studio laissent entendre un réel plaisir de jeu, d'aventure collective, une véritable invite à venir vous écouter en concert. A quoi peut s'attendre le public des Jazzamalak (le partenariat Fabrica'son/théâtre 71) le dimanche 13 janvier ?
Emilio Guerra e Neto : En effet, nous prenons un très grand plaisir à jouer ensemble. Notre complicité humaine y contribue fortement. Par ailleurs, comme le groupe est désormais rodé, nous sommes en mesure de produire une très grande variété de climats sur un répertoire fait de compositions les une plus originales que les autres. Nous essayons à chacune de nos prestations de rendre le jazz universel sans pour autant tomber dans la facilité. De fait nous n’hésitons pas à nous affranchir de certaines conventions, le tout porté par une énergie qui vaut vraiment le détour.
Buy Kicks | Men's Casual Shoes, Trainers, SneakersLa Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com