LF : Nous découvrons de plus en plus de clarinettistes qui développent un vocabulaire et une articulation très proche du saxophone et, de plus, proche du Be-bop. Y a-t-il pour toi une nouvelle ouverture pour cet instrument, peu présent après la grande période du swing et des grands orchestres américains ?
MP : Depuis les années 40, cet instrument a été petit à petit oublié par les nouvelles générations, malheureusement. Et encore aujourd'hui par rapport au nombre de saxophonistes et trompettistes les clarinettistes sont très peu representés sur la scène jazz contemporaine. Je ne crois pas qu'il y ait encore une grande ouverture faite à cet instrument même si doucement on commence à se détacher de l'imaginaire de la clarinette swing et à remarquer que ses caractéristiques sonores sont multiples et encore à explorer.
LF : Quel est ton parcours de musicien et quels sont tes prochains projets ?
MP : J'ai commencé la clarinette en autodidacte à 13 ans. Mon père contrebassiste m'a fait découvrir le jazz et donner l'amour pour la musique très jeune. A 19 ans j'ai quitté la Sardaigne pour Paris. J'y ai fait beaucoup de belles rencontres, j'ai intégré le CRR de Paris tout en participant à différents projets. Puis le Matteo Pastorino Quartet est né au printemps 2011. Nous avons enregistré notre premier disque en avril 2013 et nous avons hâte de le promouvoir avec beaucoup de concerts. Ce projet évolue et évoluera je pense très prochainement par une formation agrandie avec un soufflant en plus. A suivre !...
LF : Lors du dernier Jazzamalak, nous avons rendu un hommage à Eric Dolphy, clarinettiste (basse) à ses heures. Quels sont les clarinettistes de jazz qui t'ont influencé et quels sont les contemporains dont tu te sens proches ?
MP : J'aime beaucoup Eric Dolphy et depuis que je me suis mis à jouer de la clarinette basse aussi je m'inspire beaucoup de lui. J'ai écouté et continue à écouter des clarinettistes comme Barney Bigard, Benny Goodman, Buddy De Franco, Jimmy Giuffre, Eddie Daniels, John Ruoco mais je dois dire que mes plus grandes influences ont surtout été les grands saxophonistes et trompettistes comme Charlie Parker, Freddie Hubbard, Wayne Shorter, John Coltrane, Ornette Coleman, Michael Brecker, Miles Davis. En ce moment j'écoute beaucoup de jazz de la scène Newyorkaise, des artistes comme Steve Lehman, Ambrose Akinmusire, Rudresh Mahnthappa, Logan Richardson, Ben Wendel, Gerald Clayton.
LF : Comme plusieurs musiciens que nous avons programmés cette année, tu sembles être un musicien voyageur, enrichi d'une autre culture, d'une autre vision du monde. Quels sont pour toi les avantages et les inconvénients du nomadisme pour un musicien ? Comment ce groupe avec trois musiciens français est-il né?
MP : Voyager, les mélanges culturels, ce sont sans aucun doute des enrichissements très important pour un musicien, pour une personne. La musique ne naît pas complètement que de la musique, la curiosité de ce qu'il y a ailleurs, ailleurs loin ou près de chez soi, selon moi c'est primordial dans la démarche d'un musicien. Et puis il faut dire que voyager pour jouer ce n'est pas la même chose que voyager pour le plaisir, en tournée la plupart du temps, les énergies sont focalisées sur les concerts et puis il y a l'inconvénient d'être loin de ses proches. Mon quartet est né suite à ma rencontre avec le batteur JB Pinet au CRR de Paris, un puissant feeling humain et musical c'est tout de suite instauré. Nous avons donc eu très vite une forte envie de monter un groupe et c'est à ce moment là qu'il m'a présenté à Matthieu et Bertrand. Et là le quartet est né !
LF : On sent dans tes compositions beaucoup de lyrisme et l'interprétation des thèmes par l'orchestre est très minutieuse, dans l'écriture et le son. Y a-t-il une influence importante de la musique classique dans ce que tu écris ?
MP : Nous écoutons beaucoup de musique classique romantique, post romantique et impressionniste. Le quartet tente d'orienter la communication des instruments vers un équilibre des couleurs et des nuances d'un ensemble de musique de chambre. Puis concernant la forme de chaque morceau on essaie de s'abstraire de la structure typique expo/solo/re-expo afin que chaque composition puisse être considérée comme un petit concerto.
LF : Es-tu le seul compositeur de ce groupe ?
MP : Non, il y a aussi Matthieu Roffé notre pianiste qui apporte une forte empreinte au répertoire du Quartet. C'est un incroyable arrangeur et compositeur ! Comme aussi Jean-Baptiste et Bertrand, ils sont fondamentaux pour les arrangements du Quartet !
LF : L'écriture semble être une de tes préoccupations, en effet le ciselage de tes morceaux en rend compte. Quant à l'improvisation comment la penses-tu, autant du point de vue de ton instrument que de l'interplay ?
MP : L'improvisation est primordiale dans notre musique, elle fait partie de notre personnalité aussi. Dès le premier morceau que nous avons joué ensemble, nous avons tous senti une forte confiance et admiration les uns pour les autres. Quand moi ou un autre, prend un solo, c'est toujours le son collectif du groupe qui doit s'entendre, ça doit être une conversation entre les instruments, on s'écoute avant tout puis on agit on intéragit ! L'interplay c'est tout, c'est la confiance, l'équilibre, la gestion des dynamiques.
LF : Comment se porte le jazz en Italie face à la crise que traverse ton pays ?
MP : En Italie, il y a vraiment de bons musiciens qui comme beaucoup d'italien depuis 150 ans émigrent de plus en plus. Dernièrement à Bruxelles je me suis trouvé dans 2 jams où il y avait 80% d'italiens, c'est peut être un cas isolé mais ça fait réfléchir. A Paris ou à New York, nous sommes aussi très nombreux. Beaucoup de clubs et festivals en Italie sont en train de fermer, les subventions de l'Etat sont presque nulles. Mais ça n'empêche pas de trouver beaucoup de bons projets et de très bons musiciens, donc il faut continuer d'y croire et espérer que la situation puisse changer. Rien ne fera disparaître le jazz non ?!
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