"… arriver frais et sans jugement préconçu devant la musique et me laisser faire par elle qui nous emmène là où elle veut au moment où elle advient…" J-M Foussat
Comment présenteriez-vous votre musique à un public non-initié?
JMF : Tout d’abord je dirais que depuis le temps, il ne s’agit plus du tout de musique « expérimentale » mais de musique tout court. À ce titre, il suffit comme pour toute musique de se laisser porter par les affects qu’elle éveille en soi pour la « saisir » et en profiter pleinement.
JC : Je dirais que la musique de ce trio, étant complétement improvisée, est intense et fluide. Entre contrepoints contrastants, jeux de timbres mutables, paysages sonores inattendus et dynamiques richissimes, il n’y a pas d’espace pour le silence. La musique arrive dans un torrent de couches et d’idées qui tiennent nos sens bien éveillés.
Jean-Marc, quel parcours a fini par te conduire aujourd’hui à cette pratique bien particulière que j’appellerais la sculpture sonore? Et comment s’est faite cette rencontre ?
JMF : Je ne sais pas vraiment si je suis un « sculpteur » sonore. Je ne fais que ce que je peux avec l’instrument qui est le mien, c’est-à-dire un vieux Synthi AKS et quelques objets. L’univers de l’instrument est quasi infini et je n’en travaille qu’une toute petite partie depuis bientôt 40 ans. Et je lis encore un peu de philosophie et de poésie et écoute beaucoup de musique des années 1970 : celle de mes 20 ans. Après, sans doute, j’ai envie d’entendre certaines choses pour leur donner un certain sens.
J’ai le sentiment que tu dépasses les traditionnels quatre paramètres du son (hauteur, intensité, durée et timbre) pour sculpter l’espace sonore, voire pour bousculer la perception qu’on en a. Explique-nous un petit peu tout ça ?
JMF : Peut-être que vous percevez des choses dont je n’ai qu’accessoirement conscience.
Comme pour toute expression, c’est le « regardeur/auditeur » qui fait l’œuvre. En ce qui me concerne, mon principal souci est d’arriver frais et sans jugement préconçu devant la musique et de me laisser faire par elle qui nous emmène là où elle veut au moment où elle advient et de l’accompagner, le plus simplement possible. Et je pense que mes camarades ont la même vision du « problème » que moi, c’est pourquoi nous pouvons nous entendre et produire ensemble un résultat qui nous satisfait tous ensemble.
Dans cette formation, tu utilises de l'électronique pour produire des sons qui deviennent vite des objets sonores, traites-tu le son de la même manière qu'un compositeur d'électro-acoustique?
JMF : Je ne connais pas vraiment de musicien pratiquant l’électro-acoustique donc je ne peux pas vraiment répondre sérieusement à cette question. Mais si je réfléchis un peu, il n’y avait pas 36 000 manières de manipuler du son aux temps de la bande magnétique où il me semble on a presque tout inventé. Maintenant avec les moyens digitaux, tout ça a été décuplé mais comme dirait le vieil Einstein, nous avons bien des moyens délirants mais pour quoi faire, dans quel but, avec quel sens, à quelle fin, car « La perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser notre époque ». Oui je crois que nous devons avoir des approches proches !
Pour ce beau trio, comment fonctionne la préparation de tes machines ? Ce sont des sons pré-enregistrés, ou bien tu les crées et les transformes en direct?
JMF : Je fais toujours la même chose. Je prends mon Synthi là où je l’ai laissé la dernière fois que j’ai joué avec lui. C’est aussi simple que ça. J’ai aussi une « banque » des sons que j’ai accumulés depuis que je pratique la musique et l’enregistrement et que je « joue » pendant le moment du concert au même titre que mes autres objets : appeaux, guimbardes et jouets. Et dans certaines formations, je manipule aussi le son des instruments de mes camarades. C’est le cas avec « Bien Mental » où je reprends assez souvent le violon alto pour le modifier quelque peu.
Jean-Marc, tu as créé en 2012 le label « Fou Records ». Depuis, une multitude d’artistes ont eu la chance de trouver refuge dans ce label pour pouvoir immortaliser leurs façons de voir le monde de la musique, et certainement de l’art en général. Qu’en est-il de ce label ? Et quels sont les conseils que tu pourrais donner à un tout jeune label comme le nôtre, « La Fabrica’son Label » ?
JMF : Oui Fou Records existe et finalement ne marche pas trop mal. Tout l’argent que je gagne en musique y va. La politique de Fou est intégralement centrée sur mes relations d’amitié et sur le plaisir de la musique faite ensemble. Et quand la musique est bonne il faut la donner à entendre aux autres. Comme j’enregistre, le problème est relativement simplifié pour moi. Mais il m’arrive d’éditer des bandes que je n’ai pas enregistrées moi-même, aussi. C’est le cas pour le duo Sophie Agnel / Daunik Lazro enregistré à Moscou qui sera le prochain disque Fou.
Je crois que le principal conseil pourrait être celui-là : ne faire que ce que l’on veut, écouter son cœur et faire confiance à ce que nos oreilles nous disent de ce que l’on écoute.
Joao, lors de tes échanges avec Jean Marc et Claude, utilises-tu des effets de son (électro-acoustique) ou recherches-tu uniquement un développement acoustique dans ton langage?
JC : Il faut préciser que les effets sur le son de l’alto qu’on entend dans mes projets avec Jean-Marc sont de sa main. J’ai un microphone sur mon alto qui est branché à sa table de mixage, avec lequel je lui délivre un beau son acoustique qu’il est autorisé à « trafiquer ».
Ceci dit, je ne suis pas un altiste électro-acoustique. Je travaille toujours en acoustique naturelle, en recourant à des techniques classiques, extensives ou en préparant l’alto selon le son que je veux à chaque instant.
On voit de plus en plus d'altistes dans des projets Jazz depuis quelques années, Joao, y vois-tu une reconnaissance pour cet instrument?
JC : C’est un lieu commun de dire que l’alto a commencé à être respecté et considéré pendant le XXème siècle. Effectivement dans le siècle passé, des ouvrages très intéressants ont été écrits pour cet instrument par des compositeurs comme Bartók, Hindemith, Walton, Schnittke ou Feldman.
Mais je pense que même si on voit de plus en plus d'altistes dans des projets Jazz, cette reconnaissance est le fruit des musiciens si ils font de la bonne musique avec lui, et pas seulement de l’instrument qui n’est qu’un objet (spécial et beau, mais qui reste un objet).
Claude, l'accordéon, c'est l'instrument le plus communément employé pour le bal ou toute autre musique mélodique. Claude, comment t'es venue cette envie de jouer de la musique improvisée, voire même électro-acoustique? Autre question : Claude, pour t'avoir entendu lors d'une jam à notre ancienne Fabrica'son, je trouve que tu es l'un des rares musiciens en musique impro à garder dans ton jeu une conscience rythmique presque Jazz. Est-ce malgré toi ou est-ce une réelle orientation dans ton jeu?
CP : Je me souviens pas de mes passages, sauf une fois où Benjamin Duboc m'avait invité … Tu peux consulter ma bio et tu verras, mais peut être n'est ce pas aussi clair que pour moi ? Je me suis mis à écouter du Jazz progressif & du free par Jacques Berrocal qui était un ami d'enfance vers les années 65/66 ... Ensuite, j’ai rompu avec mon travail classique pour diverses raisons et c'est la rencontre avec Don Cherry et sa tribu, avec qui je suis resté pendant plus d'une semaine à Chateauvallon en 72, qui m'ont vraiment décollé la pulpe du fond ... !!
Ensuite j'ai vraiment beaucoup joué avec des musiciens de jazz à Paris, à la Huchette ... J'ai rencontré J.F Jenny Clark, Beb Guérin, François Tusques, avec qui je retravaille maintenant sur d'autres projets, beaucoup de musiciens entre 70 et 84, où j'ai arrêté l'accordéon pour reprendre en 95 ...
Mais il m'arrive souvent, et c’est le cas ces jours-ci où j’ai participé à l'IRCAM à une discussion avec Fred Maintenant à propos de IRIS de Miles Davis ...
Et, je reprends les phrasés, ou les formes parce que le jazz était une sorte de seconde naissance ... J'ai joué du ténor quelques temps pour des perf dans les galeries parce que ça me semblait plus "image" & surtout plus "light" ... !!
Pourtant, les rencontres que j’ai faites ne me satisfont pas ...
J’ai vraiment porté à bout de bras cet instrument parce qu'à l'époque, quand je me pointais sur scène avec un accordéon, je sentais une sorte de rumeur dans le public ... Et, vraiment, c'était chaud !! ...
Je suis sûr maintenant que c’est surtout à cause de ma carrure et de ma détermination que les gens n’ont pas osé bouger !! Sinon, ils m'auraient viré aussi sec !! ...
Pour avoir joué avec qq pointures de jazz, je sais que je peux jouer comme musicien à part entière, mais il aura fallu du temps !! ...
Quand on joue par exemple avec Mario Rechtern ou Eric Zinnmann, c’est vraiment comme musicien qu'ils pensent à moi, pas comme accordéoniste ...
Encore que, maintenant, c’est comme jouant d'un instrument tout à fait spécial, "mon accordéon" comme ils disent ...
Mais, le fait que j’ai collaboré aussi avec le GRM (Groupe de Recherche Musicale) et que j’ai fait des compositions acousmatiques vient un peu brouiller les pistes ! ...
Tu ne sais pas, mais, il y a quelques années (4/5), j’ai pensé faire un trio Archie Sheep, Cecil Taylor & moi ... Quand j’ai réalisé que Cecil avait plus de 80 ans, j’ai lâché l'affaire ... Et puis j'avais beaucoup échangé avec Dominic Duval mais il est parti le 22 juillet ... Enfin, tout ça pour te dire que le jazz fait assez partie de moi même si ça ne s'entend pas forcément ...
Il est vrai que ça approche !! ... le 6 ... Mais tu peux demander à Guy Sitruk (Jazz à Paris), il connait mes parcours jazz …
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