"…tout donner dans la musique, dans cet instant magiquequi n'arrivera plus, une fois le morceau terminé."
1) C'est un projet porté par deux musiciens avec donc deux compositeurs et deux univers différents. Comment avez réussi à créer cette unité ?
On se connait depuis 2012 avec Dave. C'est un peu exceptionnel car on s'est tout de suite bien entendu et tout s'est fait avec le simple objectif de jouer et de se faire plaisir ensemble; c'est beaucoup plus simple d'avancer avec un tel état d'esprit et d'envie. Dave est un très bon arrangeur, et passe beaucoup de temps dans son école à Manhattan à échanger avec les élèves à animer des ateliers et à rencontrer les légendes du Jazz américain. Il ne vit que pour la musique et le Jazz en général, toute sa vie tourne autour de ça; tu ne peux que l'écouter, le suivre, ou lui proposer des idées, et tout va bien, il n'y a aucun problème d'égo personnel entre nous. Concrètement, pour le disque "En Rouge" on s'est dit qu'on allait partager les compositions à part égale, comme la production d'ailleurs. On a chacun notre identité mais l'esthétique est assez proche. J'ai beaucoup écouté et "relevé" des musiciens Américains, alors que lui baigne dedans depuis ses 20 ans. Je pense que notre musique est devenue complémentaire, au fur et à mesure des compositions que l'on s'envoyait. On a chacun cherché à rendre le disque équilibré et à créer une unité tout en gardant notre vocabulaire d'écriture propre.
2) Alors jouer et enregistrer avec des musiciens américains, est-ce si différent ? Peux-tu nous parler de ton expérience et de ta rencontre avec Dave ?
Je l'ai rencontré par le biais de Raïssa Lahcine de la NYU Paris après avoir joué avec Christine Combe pour une soirée avec la fondation Boris Vian. Je voulais à l'époque créer un pilote pour une émission sur le Jazz. Le principe était de faire la captation de l'émission avec un musicien avec qui on n'a jamais joué, et ce fut Dave. La NYU l'a fait venir, et avec l'aide de "Couac Productions" on a fait une super émission pilote ! Ensuite, on s'est revu pour un concert l'année d'après à Paris et là il m'a proposé de venir enregistrer à New-York avec lui et de monter un groupe. J'ai dit "wow, tu plaisantes?" Il était très sérieux... Quand on écoute comme moi du Jazz depuis l'âge de 17 ans et que l'on s'imagine dans son rêve le plus fou d'aller à NY et un jour enregistrer, et quand l'opportunité se présente à 40 ans, c'est tellement inattendu et excitant que l'on se sent pousser des ailes comme jamais...
Pour répondre à la question, ce n'est pas si différent de jouer avec des musiciens américains, mais c'est surtout l'état d'esprit qui est différent à fortiori quand c'est chez eux à New-York. Bien sûr, le fait que je sois présenté par Dave, une des personnes les plus impliquées dans la vie du Jazz à New-York, cela rend la tâche plus simple pour faire ses preuves ! Mais, contrairement à la France où je ne me sens pas toujours à l'aise dans certains contextes, par exemple avec des musiciens de la rue des Lombards qui s'autoproclament juges de "ceux qui jouent" et "ceux qui ne jouent pas", je n'ai pas une seule fois senti ça là-bas et encore moins avec Billy Drummond et Martin Wind. On a fait "le job", c'est tout, peu importe d'où tu viens et ce que tu as fait avant. Ma plus grande expérience fut le jour de l'enregistrement avec Dave, Martin et Billy dans le studio à Manhattan et d'entendre "Run": j'ai fermé les yeux et respiré profondément, plus rien existait autour de moi, la magie s'est produite : on parlait bien tous le même langage malgré la barrière de la langue.
3) Quelles ont été pour cet album tes sources d’inspiration?
J'adore le saxophone soprano et je voulais écrire une ballade dans la couleur et le style de Wayne Shorter, c'est le morceau "Ellen et Dave". Ellen est la femme de Dave Schroeder, une artiste plasticienne et l'auteur de la pochette de notre album. Je l'ai rencontrée souvent à New-York et Paris et j'ai eu envie de leur dédier un thème, ils forment un couple adorable. "Petra", c'était une composition en chantier que j'ai terminée pour l'album évoquant cette cité Nabatéenne. "En Rouge" est une composition que je jouais depuis quelques temps avec le trio, un trois temps assez rapide à la "Brad Mehldau" avec un turnaround à la fin, idéal pour un solo de Billy Drummond, ce qui fut le cas : quel solo ! Le morceau "New-York in May-be" est directement inspiré de l'émotion que j'ai eue en arrivant à Manhattan pour la première fois.
4) Il y a dans cet album plusieurs titres qui m’évoquent une véritable envie de légèreté, une certaine joie de vivre … ce n’est pas si fréquent car après tout, les vagues à l’âme sont aussi de puissantes sources de compositions … ?!
J'ai pu écrire quelques fois des thèmes sombres, mais c'est vrai que ma musique respire une certaine joie de vivre et d'enthousiasme. La partie sombre se retrouve plus quand je joue la musique de Radiohead, mais ici rien de tout ça, j'ai voulu que cela soit un moment de partage et un terrain de jeu pour moi et Dave, sans oublier bien sûr Billy Drummond et Martin Wind, un contrebassiste d'une grande classe. Pour Billy comme dirait mon pote Fabrice Theuillon : "il a un CV long comme le pont de Brooklyn", pas la peine d'en parler, il y a juste à écouter :o)
5) Cette année a l'air très riche pour toi avec beaucoup de projets : quartet américain, sortie d'un nouveau CD en trio, concerts avec l'Amnésiac (formation qui réinterprète le répertoire de Radiohead), Ciné-concert jeune public en duo ... Le début de la consécration (lol) ? C'est pas trop difficile de démarcher plusieurs projets en même temps ?
Oui, 2016 est une bonne année au niveau création artistique, c'est une chance de pouvoir mener tous ces projets même si c'est un peu plus fatiguant que d'être sideman ! On y laisse parfois des plumes et des billets d'euros mais quand tout se passe et se termine comme prévu, on a vraiment le sentiment de s'être accompli. D'habitude, j'essaye de ne faire tourner qu'un projet tous les deux ans mais là les choses se sont accélérées… J'attendrai 2017 pour penser au vol.3 de l'Amnesiac 4tet, mais comme beaucoup de musiciens, dès qu'un projet de disque est terminé, on a déjà le regard plongé vers l'avenir. Moi, cela me motive, j'avoue avoir du mal à bosser au quotidien si je n'ai pas un projet qui me fait rêver, même trop grand pour mes épaules. Comme disait Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Le ciné-concert avec Franck Roger est un nouveau projet qui va, j'espère, nous emmener sur la Lune !
6) Un bon nombre d'adhérent.e.s de la Fabrica'son connaissent ta musique depuis quelques années, penses-tu que ton séjour à New York ait changé ton jeu ou ta manière de composer?
Je suis allé deux fois à New-York et Dave m'a à chaque fois invité à suivre des cours et une master-class à la NYU, j'ai suivi des cours avec John Scofield, Kenny Werner, Jean-Michel Pilc, Alan Broadbent, Ari Heoning Rich Shemaria et j'ai rencontré Richard Bona, Georges Coleman et même Kenny Garrett avec qui j'aurais pu jouer si… je n'avais eu mes cours d'anglais à la même heure ! Pour être franc, c'est bien sûr possible de suivre des master class en France avec certains de ces musiciens mais le vivre à New-York dans cette ville où tout semble possible cela prend une autre dimension. Je me souviendrai toujours de John Scolfield rentrant dans le bureau où je demandais à Dave comment aller l'écouter au Blue note où il se produisait et qui m'a répondu : "Take the A train". Pour un musicien européen, tout ça fait partie de la mythologie du Jazz et grâce à Dave qui a lui-même participé à cette histoire, inévitablement, j'en ai retenu quelque chose. Finalement, je pense que cela m'a apporté plus de densité dans mon jeu et peut-être aussi le fait d'être encore plus concentré dans la musique, être là, ici et maintenant, et pas ailleurs. Mais sans oublier aussi d'être toujours détendu, le plus calme possible quand on joue, pour ne pas perdre d'énergie et tout donner dans la musique, dans cet instant magique qui n'arrivera plus, une fois le morceau terminé.
7) Est-ce facile de pouvoir organiser une tournée avec 3 musiciens étrangers: quels organismes d'Etats se sont portés partenaire de ce projet?
Non ce n'est pas simple, faire venir jouer des Américains sans tourneur ou agent coûte très cher ! Aucun organisme n'a aidé, à la différence de la France qui avec ses instituts et différents dispositifs aide à la diffusion. Je n'ai jamais entendu parler d'aides pour les tournées des musiciens américains qui viennent en Europe. C'est dans ces moments que l'on se rend compte de la chance que l'on a en France d'avoir encore beaucoup d'aides à la diffusion, même quand on va jouer à l'Etranger...
nike dunk high black leather chair for sale | Air Jordan XXX1 31 Colors, Release Dates, Photos , GovLa Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com