N°145 - Viret, Ferlet, Moreau Trio - interview - Dec 15

C'est certainement l'un des enjeux essentiels lors d'un concert: Trouver l'unisson d'énergie et de concentration !

1) L'ineffable, “qu'on ne peut exprimer par des mots en raison de son intensité", est-ce une sensation que l’on a plus de chance de ressentir au sein d’un trio qui joue ensemble depuis 15 ans?

C'est indéniable : Rien ne remplace les heures de vol! Elles sont nécessaires pour qu'il y ait suffisamment de confiance mutuelle afin que les sensibilités de chacun puissent se rencontrer pour se mettre au service  d'une vision partagée de la musique.

2) Ce trio se présente comme la somme de trois musiciens sans leader identifié, alors qu’il appelait autrefois le Jean-Philippe Viret trio : peux-tu nous dire ce qui a changé, notamment au niveau de la composition? Et de l’improvisation?

Rien. Les 3 noms ont toujours eu la même taille sur la pochette, et l'on retrouve toujours mon nom comme leader sur la tranche des CDs. Il y a toujours eu cette volonté de faire entendre 3 voix dialoguer sur un pied d'égalité, et de laisser la possibilité à chacun d'amener des compositions. Il est clair qu'à mon sens, être leader c'est avant tout savoir fédérer; que l'on appelle ce trio avec les noms de chacun me conforte dans cette idée.

3) L'art du trio piano-contrebasse-batterie a une tradition centrale dans l’histoire du Jazz, et celui que tu formes avec Fabrice Moreau et Edouard Ferlet a su imposer sa voix propre – à ton avis, qu’est- ce qui en fait sa singularité? 

Le travail d'écriture me semble déterminant. Chaque morceau doit à la fois nous séduire et nous défier ! Je trouve également que, en comparaison  avec d'autres trios où les pianistes sont en règle générale les leaders, il m'arrive souvent d'occuper une place mélodique, notamment à l'archet. Ceci contribue à donner une couleur orchestrale à ce trio.

4) Plusieurs de tes albums évoquent par leur titre la recherche ou l'absence du mot juste, (notamment "L'indicible", "Autrement dit"et le plus récent: "L'ineffable"). Quel rapport vois-tu entre ta musique et les mots? 

Un rapport humain; C'est la même personne qui à un moment donné s'exprime, s'étonne, et s'amuse avec les mots.

5) Avez-vous eu parfois ce sentiment de ne pas pouvoir rejoindre  sur un court instant l'énergie ou l'intensité de l'autre?

C'est certainement l'un des enjeux essentiels lors d'un concert: Trouver l'unisson d'énergie et de concentration ! Si on avait la certitude que cela arrive à chaque fois que l'on joue, les concerts "magiques" le seraient peut être un peu moins.

6) Le monde de la musique classique et celui du jazz deviennent depuis quelques années moins cloisonnés, est-ce que ce trio à trouvé sa place entre de ces deux langages? As-tu le sentiment de mélanger deux mondes musicaux différents?

C'est un sentiment que je ressens surtout avec mon quatuor à cordes (Supplément d'âme) !