LF : Votre tout premier album voit le jour en septembre 2011 chez Altrisuonirecords et le deuxième en 2013. Lors de ces trois années, le trio a-t-il beaucoup joué ? Et si oui, est-ce cela qui vous a motivé pour enregistrer ce deuxième album ?
DA : Du fait de l'éloignement géographique et nos occupations respectives, nous nous retrouvons pour des séries de concerts 2 à 3 fois par an. En effet, si Fred Borey , après avoir vécu à Belfort, puis Bordeaux, s'est installé à Paris il y a 2 ans, le batteur Alain Tissot vit toujours en Suisse! Ce n'est donc pas la quantité de concerts qui a motivé Unitrio à enregistrer "Page2". C'est plutôt l'immense plaisir musical et humain que nous avons à nous retrouver à chaque fois depuis notre 1ère rencontre en 2005.
LF : Sur votre Myspace vous avez de très beaux témoignages de la part de Lionel Loueke et Jerry Bergonzi. Ont-ils eu l’occasion d’être sollicités en tant qu’invités lors de vos concerts ?
DA : Nous avons eu la chance de jouer avec Lionel Loueke une fois, il est probable que cela se reproduise puisque c'est devenu un ami, et sa simplicité fait qu'il est partant pour jouer de nouveau avec le trio. Le plus difficile reste à organiser un concert puisque Lionel fait le tour du monde plusieurs fois par an.... Jerry Bergonzi est un musicien que nous admirons tous les trois, Frederic a suivi de nombreux stages avec lui. Nous n'avons pas encore eu le privilège de partager la scène avec lui, mais qui sait?! Comme nous connaissions ces 2 musiciens de grande renommée et qualité, nous avions eu envie de faire appel à leurs avis critiques sur notre 1er album.
LF : A l'écoute de votre album, nous avons eu un vrai plaisir provoqué par le swing, le groove, qui se dégage de votre musique. La présence de l'orgue (instrument pas si fréquent que ça) apporte une touche particulière. Comment définiriez-vous son rôle par rapport au saxophone et à la batterie ?
DA : Merci pour les compliments... Il est vrai que nous sommes soucieux de la bonne dynamique rythmique. Fred et Alain ont un conscience du son particulièrement soignée et personnelle qui font une grande partie de la singularité d'Unitrio. L'orgue hammond est un instrument assez magique qui permet "d'englober les sons", il donne du liant. Il est à la fois puissant et insaisissable de par ses fréquences très larges, le jeu de la cabine leslie qui fait circuler le son.... Le rôle de l'orgue dans un trio comme celui ci est "central" dans le sens où il est connecté aux lignes mélodiques du saxophone par les harmonies de la main droite, et à la batterie par le biais de la main gauche. Mais j'oserai dire qu'avec Unitrio, le rôle de l'orgue va au delà car nous développons beaucoup de contrepoint, et ces frontières main droite main gauche sont bien souvent dépassées. C'est cette singularité que nous voulons défendre et développer, et qui permet cette longévité malgré la contrainte géographique....
LF : Comment voyez-vous la situation des musiciens professionnels en France : l'intermittence est fragile/fragilisée, les lieux manquent parfois, les subventions publiques pas au top… et vous, comment tenez-vous ? Auriez-vous des pistes, des idées pour que les musiciens puissent vivre dignement de leur art ?
DA : Aucun de nous trois n'est intermittent. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas sensibles à l'actualité délicate du moment... Nous sommes enseignants-musiciens, un statut que je trouve particulièrement épanouissant personnellement. Nous sommes malgré tout aussi confrontés, de manière moins frontale, aux difficultés actuelles liées au manque de subventions, à la diminution du nombre de lieux et l'augmentation du nombre de musiciens. J'enseigne au Conservatoire à Rayonnement Régional de Versailles, et je forme de futurs professionnels. C'est un poste très agréable d'un point de vue pédagogique et musical, mais d'un autre, je guide les élèves vers un milieu de plus en plus difficile. Pas évident de leur exposer la situation sans les dissuader! Les artistes sont mis à mal par le contexte économique, heureusement que des associations comme la fabrica'son se battent pour continuer à leur permettre d'exister....
LF : Il y a beaucoup d'espace dans votre musique avec pourtant des thèmes loin d'être simples. Comment arrive t-on à ce résultat ?
DA : Dans notre 1er album " page1", la couleur d'Unitrio était déjà posée. Les thèmes de ce 1er album étaient "plus simples", peut-être plus mélodiques pourrait-on dire. "Page2" a sensiblement évolué. Nous attachons de l'importance à nos thèmes, mais les plages d'improvisation sont le moment de liberté et d'échanges qui nous permettent de développer un son commun, celui qui créé sans doute l'espace dont vous parlez...
LF : Vous êtes tous les trois compositeurs dans ce projet et on y sent une grande unité. Vous connaissez-vous depuis longtemps ? Vous êtes-vous donné des directions précises ?
DA : Nous ne sommes pas donné de directions pour trouver cette unité. Encore une fois, je pense que ce sont nos affinités musicales et le son et l'écoute que nous développons ensemble qui font que les 3 personnalités de compositeurs se marient bien. Pour page2, nous avons composé davantage en pensant au trio, ce qui ajoute sans aucun doute à l'unité de l'album.
LF : A l'écoute de votre musique, c'est la simplicité apparente qui me vient à l'esprit, alors qu'en y regardant de plus près ce n'est pas vraiment le cas. Est-ce le souci de l'essentiel, du dosage, de l'espace qui en rend compte ?
DA : Effectivement, derrière la spontanéité qui peut nous caractériser, il y a de longues années d'études et un savoir faire! Fred est un compositeur très productif, Alain tout autant aussi bien pour le trio que pour des commandes pour grands orchestres dans des esthétiques plus classiques. Mais comme vous dîtes, c'est sans doute "l'essentiel" qui nous permet d'oublier un peu cette science, cette envie de donner simplement de la matière simple et malléable pour mieux en jouer.
LF : Cela fait plus de dix ans que vous jouez ensemble, la musique s'en ressent de part la qualité de l'interplay, la circulation des idées, le son du groupe. Pensez-vous que durant ce temps passé à jouer ensemble, il y a des choses qui se construisent mais qui parfois nous échappent (la trace du temps) ?
DA : J'ai rencontré Fred Borey de mon passage au Centre des Musiques Didier Lockwood en 2001 et quelques années plus tard il a organisé la rencontre avec Alain Tissot lors d'un concert dans le Jura Suisse, la magie de cet instant a créé Unitrio. Dès cette rencontre nous nous sommes trouvés, comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Si cette phrase peut paraître cliché, ça n'a jamais été aussi vrai dans mon expérience musicale que pour Unitrio. La singularité de ce groupe a existé quasi instantanément: écoute, échange, contrepoint, surprises,cohésion... ça fait partie des choses qui me passionnent pour la musique, ces faits "inexplicables" .
Je dirais que nos expériences respectives, musicales et humaines, sont mises en commun lors de nos concerts pour notre plus grand plaisir, ainsi que celui du public. Nous repartons chaque fois plus motivés et heureux de ces moments privilégiés que nous espérons renouveler encore longtemps....
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