LF : Peux-tu nous parler de ton parcours musical et de tes principales influences?
RI : J’ai commencé à étudier la musique à l’âge de huit ans au conservatoire de Matanzas (Cuba), ma ville natale. Je viens d’une famille au sein de laquelle on appréciait beaucoup la musique et la danse. Mon beau père était musicien (sax baryton), et notre maison était le point de rencontre de pas mal de ses collègues ! J’avais facilement accès à tout un tas d’instruments et j’accompagnais souvent mon beau-père à des concerts le week-end.
Mon premier instrument a été le violoncelle mais j’étais déjà attiré par le saxophone que j’ai pu étudier à partir de 11 ans. Mes premières influences viennent donc de chez moi, de groupes de musique afro-cubaine comme Los Munequitos de Matanzas, ou Afrocuba de Matanzas et la musique classique européenne …
A 16 ans, je suis parti pour la Havane, poursuivre mes études de musique à l’Ecole Nationale des Arts de Cuba (E.N.A) ou j’ai côtoyé des grands musiciens comme Herbie Hancock, Antonio Hart, Steve Coleman, Ravi Coltrane et Nicolas Payton, lors de masterclass. C’est là que j’ai développé mon gout pour le jazz.
C’est aussi à cette époque que j’ai commencé à jouer professionnellement pour des formations comme Diàkara et le Carlos Maza Quartet.
J’ai commencé à venir en Europe pour jouer dans des festivals tels que Jazz à La Villette, Nancy jazz Pulsations, Guimaraes Jazz Festival entre autres …
J’ai décidé de m’installer définitivement en France en 2001
Pour moi c’était une occasion d’apprendre et de rencontrer des musiciens venus de partout.
LF : De quel pays d'Amérique du sud es-tu originaire ? Quelles influences ton pays et peut-être plus largement ce continent ont-ils eu sur ta musique ?
RI : Je suis né à Cuba, une île des Caraïbes ; et mes origines contribuent pour beaucoup à ma façon d’écrire et de jouer de la musique.
Chez nous, la musique est partout. On la vit de manière très décomplexée, mais on reste très exigeants au niveau des écoles et conservatoires. La proximité avec l’Amérique du Sud et une langue commune avec la plupart de ses pays, entraînent des influences importantes des deux côtés. Les musiciens brésiliens Hermeto Pascoal et Gismonti ont ainsi été pour moi des références à l’âge de 20 ans.
LF : Tu jouais, l'an dernier ici chez nous, avec Juan-Sebastian Jimenez. Il nous parlait de son amour pour les rythmes latins et les percussions. As-tu toi aussi cet intérêt? et plus largement, participes-tu à des projets de latin jazz ou de rencontres avec des musiques traditionnelles ?
RI : J’ai pas mal travaillé en duo avec Sebastian… On s’accorde vraiment sur la nécessité de jouer une musique « chantante». Il reste l’une de mes plus belles rencontres musicales sur Paris. Et en dehors de mon travail avec lui, je fais partie d’une formation qui s’appelle TRIPAZO. C’est un jeune trio de latin jazz et de musique classique cubaine au sein duquel on revisite des compositions d’Ernesto Lecuona, entre autres… On prévoit d’enregistrer cette année.
LF : Tu es, semble-t-il, assez demandé dans différents projets. Selon toi, est-ce de jouer pour les autres qui peut amener à vouloir créer sa propre formation et son propre répertoire de composition?
RI : J’adore jouer de la musique écrite par d’autres… C’est une bonne façon de faire connaissance et de partager des idées. Mais j’ai aussi envie de jouer ma propre musique… D’où ma volonté de créer une formation autour de ce répertoire.
Je me souviens d’avoir écrit mes premières compos et de petits essais d’arrangements quand j’avais 17 ans… J’allais les jouer le soir dans un club à la Havane où chacun ramenait ses propres compos.
J’ai toujours eu l’envie d’écrire même si à l’époque, on n’y accordait pas beaucoup d’importance et qu’une fois les morceaux joués, on passait à autre chose.
LF : Après toutes tes rencontres musicales à Paris ou en France de façon générale, quelles ont été tes raisons de choisir cette formation avec ces musiciens pour monter ce projet?
RI : Le trio est généralement mon type de formation favori ; mais pour ce répertoire, j’ai pensé qu’un quartet conviendrait mieux.
Florent Gac, au piano, a une super approche, à la fois rythmique et harmonique de la musique ; Manuel Marchès connaît très bien le jazz mais ses influences éclectiques sont un véritable atout. De plus, on se connaît bien : on a joué en big band avec Franck Lacy et j’ai eu le plaisir de jouer sa musique et de faire partie de son projet, pour lequel on a enregistré ensemble un premier disque. Il est le son de basse qu’il faut à ce projet.
Enfin Lukmil Peréz est un excellent batteur. J’aime son coté très « tambour » et son jeu décomplexé et partageur. Nous nous connaissons depuis 15 ans et avons déjà joué ensemble dans plusieurs formations.
LF : Le grand saxophoniste sud-américain, Gato Barbieri, au jeu intense, lyrique et parfois survolté a-t-il été une de tes influences? Cherches-tu à enrichir ta musique d'éléments ou de morceaux pouvant se référer au courant du free jazz ou cherches-tu toujours à garder un cadre assez défini, une écriture exigeante et des règles du jeu assez précises ?
RI : Je connais assez mal la musique de Gato Barbieri, je ne pense pas qu’il ait eu une influence sur mon jeu. J’ai essayé d’enrichir ma musique avec des éléments que j’ai toujours voulu diversifiés… du free jazz à la musique entendue lors de fêtes de famille !
Pour citer quelques unes de mes influences :
Emiliano Salvador, Marta Valdés, Hermeto Pascoal, Wayne Shorter, Los Munequitos de Matanzas, La Columbia de Càrdenas, Charlie Parker, Prokofiev, Chick Corea, Alberto Lescay (sculpteur et peintre cubain ), DeJohnette, Coltrane, Bola de Nieve, Miles, Jeff Tain Watts, Los Zafiros, Bennie Wallace, Tribe Called Quest, Joe Lovano, Oscar Valdés, Mingus, George Adams, Orlando Sanchéz (Cubajazz), Greg Osby…
Lorsque je compose, je ne cherche pas à suivre de recette ; j’essaie seulement de mettre des sentiments, des expériences et du vécu sur papier. Et si mon écriture est exigeante, alors tant mieux.
LF : Tu composes une musique exigeante tant du point de vue mélodique, harmonique, rythmique que du point de vue de la forme. Y a t-il un aspect auquel tu t'attaches le plus ?
RI : Lorsque je compose, je veux que la musique « chante ». La mélodie, la rythmique et l’harmonie cohabitent avec plus ou moins de prédominance mais elles sont pour moi indissociables et tout aussi importantes. La forme vient ensuite.
LF : La part écrit/improvisé a beaucoup changé dans le jazz d'aujourd'hui, comment conçois tu cela pour ta musique ?
RI : J’accorde beaucoup d’attention à la part écrite d’un morceau, mais j’essaye d’y laisser des espaces de liberté pour que chaque musicien puisse s’exprimer et apporter sa patte à ce morceau et d’une certaine manière se l’approprie. C’est dans l’échange que l’on trouve l’équilibre.
LF : Y a-t-il des instruments que tu apprécies et que tu n'as pas encore eu l'occasion d'inviter dans tes projets ?
RI : Le tambour batà, ça fait vraiment longtemps que j’y pense… Et aussi un violoncelle, un 2nd sax tenor, une guitare, un oud …
LF : Musicien et citoyen, c'est des mots qui riment pour toi ?
RI : Mon parcours m’amène à penser que la musique, comme le reste, doit être multiculturelle et que l’ouverture aux autres devrait être un principe primordial en politique. Et je pense que c’est un principe que les artistes, en général, ont la responsabilité de défendre. C’est en ce sens que je me sens citoyen.
Nike air jordan Sneakers | Nike Air Max 270La Fabrica'son, Maison de la Vie Associative, 28 rue Victor Hugo, 92240 MALAKOFF, Tél. 01.55.48.06.36, email : coordination.fabricason@gmail.com