Stefan Orins répond à nos questions
LF : Faites-vous toujours partie du collectif Circum ? Cela est-il facile d'être musicien et à la fois organisateur d'une structure?
SO : Le collectif Circum a fusionné en 2010 avec le Centre Régional d’Improvisation et de Musiques Expérimentales (le CRIME), pour former Muzzix. Le collectif a donc doublé de volume ! Étant donné que je ne suis pas organisateur de la structure, je ne peux pas répondre à la deuxième question.
LF : Les programmateurs sont souvent à la recherche de projets nouveaux. Pour notre part, certains que les projets évoluent et se bonifient avec le temps, nous n'hésitons pas à reprogrammer quelques années plus tard des formations que nous avions déjà accueillies. Qu'est-ce que qui a changé pour vous depuis votre venue en 2006 ? Trouvez-vous des difficultés à faire perdurer votre trio ?
SO : Depuis cette époque, on a tous progressé et joué dans d’autres contextes. Ce qui nous a enrichi et permis de découvrir de nouvelles potentialités. Des lieux comme le vôtre, qui nous accueille à nouveau, sont rares. Notre richesse est aussi étroitement liée à notre ancienneté, la musique s’en ressent et les programmateurs y sont sensibles. Le trio continue sa route avec persévérance et optimisme.
LF : Peter et Stefan, vous êtes originaires de Suède, avez-vous l'impression que le jazz dans les pays nordiques, se joue ou se pense d'une autre manière qu'en France ? Est-il plus ouvert, plus aérien, la musique est-elle moins ancrée dans la tradition américaine ?
SO : Tout, autour de nous, nous influence Peut-être pourra t-on trouver plus d’espace, de silence, de lumière ou de liberté dans la musique, si notre environnement possède ces qualités. La Suède est un pays magnifique, avec une nature restée sauvage et beaucoup de grands espaces, beaucoup de musiciens scandinaves font entendre cela. C’est aussi un pays qui a, très tôt, accueilli des musiciens afro-américains. De grandes figures du jazz se sont même installées en Suède, l’influence de la tradition américaine est donc présente. C’est aussi suite au passage d’artistes américains comme Keith Jarrett, que Jan Garbarek et la musique folkorique scandinave sont entendus de tous.
LF : Si on vous dit que votre musique propose et dégage une forme de rêverie poétique en résonance avec les éléments naturels, jamais mièvre, parfois étrange, qu'est-ce que ça vous inspire ?
SO : C’est sans doute le reflet de la nature profonde du trio. La dimension lyrique et onirique est manifeste, cherchant à harmoniser les différences de chacun. Que cela évoque des éléments naturels me ravit.
LF : Vous parvenez dans votre musique à une riche synthèse qui fait écho à la tradition du trio piano/basse/batterie, parfois à la musique classique ou contemporaine européenne avec, à d'autres moments, des accents plus énergiques au niveau de la rythmique. Mais toujours se dégagent une sensibilité et une créativité personnelles. Quelles sont vos influences et quelle est votre alchimie ?
SO : J’ai grandi dans une famille qui écoutait de tout, de la musique folkorique suédoise, à la musique indienne, le jazz d’Erroll Garner ou les Beatles. La musique classique, je l’ai découverte sur le tard, je suis devenu fan de Sviatoslav Richter à 27 ans… Les influences sont forcément le résultat de cette mixture, de ce gloubiboulga sonore !
Quant à l’alchimie, elle vient de l’écoute collective, écoute de l’autre mais aussi de soi. En essayant d’éviter le calcul, que le mental interfère. Chercher la spontanéité, la profondeur, jouer avec sa vie : cette fusion du corps, de l’esprit et de l’environnement. Ce n’est pas par hasard si le titre de notre dernier CD s’intitule « Stöt », ce qui veut dire « impulsion » en suédois. L’influence est dans l’instant.
LF :Vous est-il arrivé d'inviter un quatrième larron (voire plus) à se joindre à votre trio ou votre proposition artistique n'est-elle envisageable, et définitive, que triangulaire ? A quel niveau et dans quelle mesure, la présence d'autre(s) musicien(s) pourrait brouiller ou déstabiliser votre musique ?
SO : En 2003 et 2005, nous avons invité pour quelques concerts, notre ami Julien Favreuille, saxophoniste (entre autre) du groupe Happy House et de Circum Grand Orchestra. À l’époque, les morceaux que nous interprétions étaient essentiellement tirés de notre premier album « Natt Resa ». Adapter les morceaux, pour les jouer en quartet, a modifié quelque peu le répertoire. Les arrangements ont été conservés par la suite pour le format du trio.
Nous avons aussi, eu l’occasion de jouer avec Jean-Luc Cappozzo, sur proposition du Petit Faucheux, à Tours en 2007. Belle expérience et belle rencontre.
En 2010, la chanteuse Karine Gobert nous a rejoint pour un projet spécifique, autour des dix titres du disque « Bonheur temporaire » qui évoquent les états de vies de la philosophie bouddhique. À l’heure actuelle, ce projet qui s’intitule « Ten worlds » se poursuit en duo.
Enfin la dernière rencontre remonte au mois de juin 2011, le flûtiste et compositeur Polonais, Dominic Strycharski, s’est joint à nous lors d’un concert impromptu à la Malterie autour de quelques titres du dernier disque. Là aussi, le projet s’est poursuivi en duo pour quelques concerts à Varsovie.
Le trio, qui a seize ans cette année, est devenu un formidable outil rythmique pour un musicien invité. La présence d’autres musiciens est à la fois très enrichissante mais aussi délicate, dans la mesure où l’espace d’expression n’est plus le même, le timbre de l’orchestre également. Le piège est de devenir accompagnateurs plus qu’acteurs.
LF : On a l'impression d'entendre dans votre musique presque toujours un contrepoint entre trois instruments, que ce soit dans les thèmes ou l'improvisation (le jeu du piano allant même dans ce sens en n'abusant pas de ses possibilités polyphoniques). Est-ce bien une recherche de votre part ?
SO : On essaie surtout de garder notre esprit de recherche. Le trio ne cesse d’évoluer et les compositions que je propose également. Mais la notion d’interplay, du dialogue à trois, restent. L’idée que j’ai du jazz, est que c’est une musique qui ne peut rester figée. Elle est comme la vie, sans cesse changeante et imprévisible. Le défi est d’être capable de s’adapter à cette impermanence.
LF : Il semblerait que le projet d’un festival de jazz à Avoriaz est en chantier avec comme partenaire la société Pierre & Vacances. Le marché du jazz ne vous apparaît-il pas plus que jamais, comme une grosse machine à Business avec tout ce que cela comprend ?
SO : L’aspect commercial du jazz a toujours existé, peut-être même plus par le passé. C’est aussi le moyen pour un nouveau public d’accéder peu à peu à des choses moins évidentes, je suis convaincu que l’oreille s’aiguise et peut devenir curieux de découvertes surprenantes.
LF : Préserver l’indépendance des collectifs de musiciens ! Ne serait –ce pas aujourd’hui une revendication immanente ?
SO : Oui, tout l’enjeu de Muzzix est de garder cette indépendance. Pour le moment ça se passe plutôt bien.
LF : Dans le contexte électoral et médiatique actuel, quelles seraient vos critiques, revendications et suggestions en termes de politique culturelle vis-à-vis des institutions publiques ?
SO : Tout en reconnaissant l’importance de la politique culturelle de notre pays, et de savoir que j’en bénéficie, je ne me sens pas suffisamment compétent dans ce domaine pour répondre avec justesse à votre question.
Merci et rendez-vous le Dimanche 25 mars à 16h30
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