Culture en prison: La Fabrica'son derrière les barreaux ! (mai 2013)

Le stage "ciné-concert" qui s'est déroulé au mois de mai à la maison d'arrêt de Nanterre a été une expérience enrichissante, mais aussi prenante et émouvante pour chacun des participants. Depuis maintenant 3 ans, le collectif de la Fabrica'son, en partenariat avec le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) et la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), participe à des projets culturels en direction des détenus. Cette année encore, Jean-Claude était en charge de l'atelier guitares, Franck de celui des flûtes, Benoist des percussions, et moi-même, d'un atelier d'écriture. Le projet consistait à créer une musique originale et un texte narratif à partir d'un film d'animation chinois muet Impressions de montagnes et d'eau. Ce stage était proposé à 12 détenus et se déroulait sur 4 demi-journées de 3 heures pour la préparation, suivies d'une après-midi de restitution face à un public d'une vingtaine de détenus.
Malgré une fréquentation aléatoire et imprévisible, due au fonctionnement assez particulier de ce genre d'établissement, nous avons pu animer des répétitions très constructives et pu créer un très beau spectacle. Surtout, nous avons apporté, de façon certes modeste, de la poésie et de la musique, donc de la joie et de la gravité, du rêve et du sens, des émotions enfouies soudain révélées, à des stagiaires tous débutants, rarement sollicités dans leur quotidien carcéral mais qui ont toujours été impliqués et motivés. En si peu de temps -trop court à leur goût- le résultat fut vraiment encourageant.
Face aux images poétiques et dépouillées du film décrivant le dernier voyage d'un vieux sage vers la mort mais qui désire auparavant transmettre son art à un jeune enfant, et grâce à des textes puisés chez les maîtres du haïku japonais, les poèmes de François Cheng ou encore des extraits de "La montagne de l'âme" de Gao Xingjian, un beau voyage a pu avoir lieu, loin des barreaux sévères et des bruits secs des lourdes portes. Les musiciens ont fait preuve d'une grande volonté et d'une remarquable concentration pour découvrir les instruments comme les textes de poésie, pratiquer quelques gestes techniques, et surtout exprimer une part de soi-même tout en restant à l'écoute -disponible- pour le groupe, comme le dit souvent Franck.
Le ciné-concert de fin de stage a laissé à tous une forte impression. Les participants, malheureusement pas aussi nombreux que nous l'aurions souhaité, ont montré une belle assurance et cette expérience restera peut-être pour eux un des rares "bons" moments de leur détention. Le concert du Now blues qui a clôturé ce projet, mélangeant jazz, musique improvisée et lectures de poèmes a surpris et ému plus d'un spectateur. Je pense notamment à un détenu qui chaque jour nous écrivait un poème, textes que nous avons intégrés au spectacle.
Alors, lire le poème de Verlaine écrit en prison : "Le ciel est par-dessus le toit" sur le "Sentimental mood" d'Ellington résume assez bien l'esprit de ce projet : émotion, respect et une forme de dépassement grâce à la puissance de l'art.

Marc